janvier 23, 2025
Accueil » Édito – La Presse Sénégalaise en Péril : Journée Sans Médias Annoncée pour ce Mardi

Au soir du 24 mars 2024, jour de l’élection présidentielle, la presse sénégalaise, qu’elle soit radio, télévision ou en ligne, a joué un rôle crucial en relayant les résultats qui ont porté Bassirou Diomaye Diakhar Faye au pouvoir. Pas un seul citoyen, ni un homme politique de l’actuelle équipe dirigeante, n’aurait pu contester l’importance de la presse à ce moment-là. De concert, journaux, radios, télévisions et sites d’information ont rapporté les résultats en temps réel, couvrant l’ensemble du territoire sénégalais.

Des centaines de journalistes ont été déployés sur le terrain, traquant les chiffres bureau de vote par bureau de vote, fournissant des informations précieuses et signalant les moindres dysfonctionnements. Ils ont souvent agi en tant que sentinelles, alertant les autorités de manière proactive, sans aucun soutien public. Combien de millions de Sénégalais étaient alors rivés à leurs écrans, téléphones ou radios, absorbés par ces informations transmises par ces journalistes dévoués ? Combien ont jubilé à la publication anticipée de ces résultats, bien avant leur proclamation officielle par les institutions compétentes ? Quel coût cela a-t-il représenté pour nous tous de pouvoir suivre ce moment d’histoire en direct ?

Imaginons un instant ce qu’aurait été cette élection du 24 mars 2024, ainsi que celles des vingt-quatre dernières années, sans l’implication des médias. Que se serait-il passé dans l’esprit de certaines forces obscures sans cette veille citoyenne ? La presse, que l’on a félicitée après cette échéance, a une fois de plus prouvé son efficacité et son rôle central dans la consolidation de notre démocratie. Vingt-quatre ans après la présidentielle de 2000, qui avait marqué la fin d’un régime de 40 ans, la presse sénégalaise a répondu présente à ce nouveau rendez-vous historique.

On peut tenter de réécrire l’histoire, mais il est impossible de nier le rôle fondamental que les médias ont joué au fil des décennies pour éveiller la conscience citoyenne et renforcer la démocratie au Sénégal. Grâce à eux, souvent en langues locales, des outils ont été mis à la disposition des citoyens pour affiner leur compréhension et leur participation à la vie publique.

Nous avons traversé des moments cruciaux dans l’histoire de notre jeune démocratie, où la situation était souvent critique. Pourtant, la presse a toujours relevé les défis avec professionnalisme, guidée uniquement par son sens éthique et son engagement envers la responsabilité. Cet héritage, légué par nos aînés aujourd’hui disparus, reste profondément ancré dans l’âme de nos médias. Sans cette vigilance, le visage du Sénégal aurait été bien différent.

Cependant, comme le dit si bien l’adage peulh : «le lait de la vache trait tous les jours finit par perdre sa saveur». Les Sénégalais, habitués à l’efficacité de la presse lors des grands rendez-vous, en viennent parfois à oublier son rôle crucial dans la stabilisation des institutions républicaines et la sauvegarde de l’État de droit. Si un père fondateur de la nation américaine a pu affirmer qu’il préférait un État sans gouvernement plutôt que sans presse, c’est parce qu’il savait que cette dernière est un pilier indispensable de la démocratie.

Aujourd’hui, la presse sénégalaise traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Depuis trois mois, une campagne de diabolisation est en cours, visant à présenter les médias et leurs acteurs comme des citoyens indisciplinés, négligeant leurs obligations, notamment fiscales. Une autre campagne tente de semer la discorde entre les éditeurs et leurs collaborateurs, exacerbant les tensions entre «patrons de presse» et journalistes.

Cette entreprise de dénigrement, orchestrée pour discréditer la presse, ne saurait être acceptée. Nous, journalistes, sommes suffisamment aguerris par les méthodes des régimes précédents pour comprendre la manœuvre : noircir le tableau pour ensuite procéder à une sélection arbitraire et à la liquidation des entreprises de presse privée, en fonction d’intérêts politiques immédiats. L’objectif est clair : contrôler l’information et soumettre les acteurs des médias. C’est tout simplement la liberté de la presse qui est en danger au Sénégal.

Face à cette situation (blocage des comptes bancaires, saisie du matériel de production, rupture illégale des contrats publicitaires, gel des paiements, mises en demeure, refus de concertation), nous organisons une Journée Sans Presse ce mardi 13 août 2024, afin de sensibiliser l’opinion nationale et internationale.

Les régimes passent, la presse demeure !

Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de la Presse du Sénégal (CDEPS)
Dakar, le 11 août 2024.

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